Histoire contemporaine

Causerie sur Nguyen An Ninh le 4 septembre 2005

Le conférencier Nguyễn Khánh Hội nous a donné un aperçu général de la vie de Nguyễn An Ninh, qui faisait partie du groupe des cinq dragons à Paris avec Phan Bội Châu, Phan văn Trường, Nguyễn Thế Truyền, Nguyễn Ái Quốc.

Au Nord Vietnam, le nom de Nguyễn An Ninh est peu connu. Au Sud Vietnam, il reste dans la mémoire de la population comme un grand patriote, se battant contre les colonisateurs. La rue Nguyen An Ninh est présente à Saigon depuis toujours.
Récemment, une maison du souvenir a été construite à Hochiminh ville.
Plusieurs documents sur Nguyễn An Ninh ont été découverts récemment. En plus, il y a un interview de sa famille.

Quelques points intéressants : plusieurs personnes, dont Hồ chí Minh (Nguyễn Tất Thanh), ont participé au journal Le Paria. Arrivé en France vers 1919 il vécut chez Phan văn Trường, avocat. Nguyễn Thế Truyền fut à l’époque membre du Parti Communiste, qu’il quittait après. Ho chi Minh a révélé qu’il a appris le français avec l’aide des personnes de ce groupe.

Nguyễn An Ninh : l'éveilleur de conscience
Personnage à part dans l'histoire vietnamienne moderne, Nguyên An Ninh reste encore méconnu. Pionnier de l'occidentalisation, tout en restant profondément vietnamien, il est une grande figure de la Cochinchine révolutionnaire à (re)découvrir. (Daniel Héméry, historien)

TEMOIGNAGES SUR Nguyễn An Ninh : Extrait d’un interview de M. Ngo Van sur Nguyen An Ninh dans "Cyclo, revue de l'association 10.000 printemps", automne 1997.
(Propos recueillis par Rémi Pandelli et Sean James Rose - - -)
Ngo Van : Il était comme une espèce d'onde électrique. Il touchait surtout la population scolaire des collèges, les classes moyennes qui lisaient le français, les petits intellectuels mais pas la grande bourgeoisie qui restait très réactionnaire et soutenait le régime colonial.
Cyclo : Est-ce que ce n'était pas aussi son côté individualiste qui séduisait la jeunesse ?
Ngo Van : En tout cas, c'est un aspect qui m'a plu. C'était aussi un homme de culture confucianiste mais il prenait tout ce qui pouvait élever la culture de son époque. Il était pour une synthèse. Ninh était sans parti et ne voulait pas être contrôlé. C'était un nationaliste, si l'on veut, qui a plus tard soutenu le communisme. Mais quel communisme? Personne ne pouvait l'embrigader. C'était un homme de Nietzsche. C'est pourquoi, en réalité, les staliniens ne voulaient pas de lui.
Cyclo : Les publications actuelles le présentent comme quelqu'un qui a appuyé le Parti communiste. Était-il pour la dictature du prolétariat ?
Ngo Van : Il n'était pour aucune dictature. Il était pour la libération de toute la population exploitée. Il a appuyé l'esprit du Manifeste communiste. L'esprit de parti dans le Manifeste n'est pas celui du parti léniniste. Il avait plutôt une tendance nationaliste à englober tout. À l'époque de "La Cloche fêlée" il voulait marcher avec les constitutionnalistes. En 1936, au moment du Front populaire, il a voulu rassembler les partis politiques bourgeois et prolétariens au sein du Congrès indochinois. Mais dès que s'est abattue la répression, les constitutionnalistes l'ont lâché.
Cyclo : Aujourd'hui, dans le Viêt-nam en mutation, pensez-vous que celui qui représenta l'idéal de la jeunesse ait encore une pertinence pour une jeunesse en quête d'idéal ?
Ngo Van : Chaque personnage a son temps et l'on ne peut parler de son idéal à l'heure actuelle. L'évolution sociale est très différente aujourd'hui. Ce qui est actuel et qu'il faut retenir de lui c'est la nécessité de combattre toute oppression. Des oppresseurs, blancs ou jaunes, sont des oppresseurs. Nguyen an Ninh a combattu jusqu'à la mort sans jamais capituler. On peut suivre son exemple. Les jeunes doivent monter sur les épaules des anciens pour regarder plus loin.


CHRONOLOGIE
5 septembre 1900 (année Canh Tị) : Naissance de Nguyễn an Ninh à Long Thương (Cholon).
1908-1918 : Études a l'école So Cop et à l'institution Taberd (Saigon), au collège de My Tho et au collège Chasseloup-Laubat (Saigon). Études à la faculté de médecine de Hanoi.
25 juillet 1920 : S'embarque pour la France.
1921 : Obtient une licence en droit. Commence à participer aux activités du Groupe des patriotes annamites.
Mars - août 1922 : Voyage en Europe.
5 octobre 1922 : Retour au Vietnam.
Fin 1922-début 1923 : Épouse Truong Thi Sau. Refuse le poste de magistrat que lui propose le gouverneur de Cochinchine.
Janvier 1923 : Exhorte la jeunesse à fonder une nouvelle culture ouverte sur le monde et la modernité au cours d'une conférence à l'Association d'enseignement mutuel de Cochinchine.
15 octobre 1923 : Conférence sur "L'idéal de la jeunesse annamite".
11 décembre 1923 : premier numéro de "La Cloche fêlée".
Eté 1924 : Ninh repart en France pour y préparer un doctorat en droit.
25 mai 1925 : Intervient au meeting des sociétés savantes au cours duquel un ordre du jour est établi, qui réclame du gouvernement français le rétablissement des libertés primordiales pour les Indochinois.
28 mai 1925 : Rentre au pays en compagnie de Phan chau Trinh.
29 juillet 1925 : Alexandre Varenne est nommé gouverneur général de l'Indochine.
21 mars 1926 : Organise un rassemblement pour protester contre l'expulsion du journaliste Truong cao Dong vers l'Annam. Il renouvelle et développe les revendications du meeting des Sociétés savantes.
24 mars 1926 : Ninh est arrêté en compagnie du gérant de "La Cloche fêlée", Dejean de la Bâtie. Mort de Phan chau Trinh.
8 juin 1926 : Il est condamné à dix-huit mois de prison pour "manoeuvres subversives".
janvier 1927 : Bénéficie d'une relaxe après avoir demandé par écrit sa libération au gouverneur de Cochinchine, Le Fol.
mars 1927 : Nouveau départ pour la France.
1928-1929 : De retour à Saigon, il parcourt les campagnes de Cochinchine et établit les bases d'un mouvement paysan.
8 mai 1929 : Il est condamné à trois ans de prison pour formation d'une société sécrète.
3 octobre 1931 : à nouveau libre ?
1932 : Exerce le métier d'avocat consultant puis ouvre une petite fabrique d'essence de cardamome à My Hoa.
1933 : Collabore aux journaux "Trung Lâp" et "La Lutte". Soutient la "liste ouvrière" aux élections municipales de Saigon.
1933-1937 : Participe aux activités du groupe La Lutte.
Décembre 1937 : Condamné pour avoir écrit des articles séditieux dans "La Lutte" et avoir organisé une manifestation de 2000 paysans à Trà Vinh.
Avril 1939 : Libéré depuis le 3 mars, il se présente aux élections coloniales sur la liste du "Front démocratique" en compagnie de militants staliniens. Ils perdront les élections. Arrêté à My Tho le 5 octobre 1939, il est condamné à Saigon le 21 mai 1940 à 5 ans de prison et 10 ans d'interdiction de séjour et de privation des droits civiques. Déporté à Poulo Condor, il meurt du béribéri le 14 août 1943.


BIBLIOGRAPHIE
Œuvres en français :
Articles dans les journaux : "Le Paria", "La Cloche fêlée", "L'Annam", "La Lutte", "l'Avant-Garde".
Livre : La France en Indochine, Paris, 1925.
Œuvres en vietnamien :
Articles dans les journaux : "Trung Lâp", "Duôc Nhà Nam", "Dâng Nai", "Công Luân", "Dân Chung
Livres : Dân uoc, dân quyên, dân dao (traduction des premiers chapitres du Contrat Social de Jean-Jacques Rousseau), Saigon, 1923; Cao vong cua thanh niên An Nam; Dan uoc (L'idéal de la jeunesse annamite : Le contrat social), Saigon, 1926; Hai Bà Trung (Les deux sœurs Trung, Théâtre), Saigon, 1928; Tôn Giao (De la Religion), Saigon, 1932; Phê Binh Phât Giào (Critique du Bouddhisme), My Tho, 1938.